Marc Guillermin et Saraswati Gramich – Bruits

L’AdaDa présente

Marc Guillermin et Saraswati Gramich

bruits

 

Le bruit désigne un son confus peu audible. Difficile à apprécier et à classifier.
Ce qui affecte l’ouïe agit de même sur nos autres sens, le toucher, le goût, la vue et l’odorat.
Le bruit, par l’irruption et l’intrusion de l’indésirable, et quel que soit le sens qu’il touche, bouscule notre perception d’un ordre établi,
il nous raidit alors que nous pourrions gagner en souplesse et revoir nos jugements, notre rapport à une normalité.
Le bruit comme le vivant, avec ses excès, amène du hasard, du nouveau et du désordre.
A nous de l’accueillir pour en découvrir les richesses.

Exposition du 5 au 15 juin 2014 du mercredi au vendredi de 15h à 19h, samedi et dimanche de 11h à 19h.

Vernissage le vendredi 6 juin à 18h

Marc Guillermin et Saraswati Gramich, Bruits

Comment avez-vous composé cette exposition à deux ?

MG C’est le grand arc sonore, sur lequel je travaillais l’année dernière, qui a donné envie à Sara d’exposer avec moi. J’avais déjà travaillé des choses sonores, comme des sculptures en extérieur qui fonctionnent avec le vent, équipées de casques (comme des oreilles ou des coupelles en métal) reliés à des tiges qui produisaient un son de cloche quand elles s’entrechoquaient. D’autres sculptures fonctionnent en les tournant, par exemple. Pour cette exposition, je voulais qu’on puisse les déclencher en marchant.

SG Nous avions tous les deux, séparément, déjà travaillé sur cette notion de bruit. En 2003 par exemple, même avant, j’avais réalisé des pièces de bruit, en travaillant le concept de bruit. J’aime bien cette notion de saturation d’informations, parce que j’ai toujours été intéressée par la cyber vie. Marc est peut-être plus dans le son, mais moi je suis plutôt dans cette notion de déplacement, et de quelque chose qui n’est pas concret, quelque chose qui change tout le temps, qui n’est pas fixe ; c’est ça le bruit, le concept de bruit. Comme dit Michel Serres, des brouhahas, des tohu-bohu…

Vous expliquez ce concept de bruit comme un accident dans la normalité des choses ; et finalement, ce n’est pas tant vous qui installez un accident, que le visiteur qui le produit. Sans visiteur, il n’y aurait pas de bruit ?

MG Le bruit n’existe que par rapport à l’interprétation qu’on en fait. Sinon c’est un son. Ça devient un bruit si on porte un jugement de valeur. Quand on parle de bruit, c’est au sens large, c’est aussi bien le bruit sonore, visuel, sensoriel, olfactif, gustatif… Tout ça c’est quelque chose qui interrompt quelque chose de normal et qui fait intrusion. Pour l’arc sonore, par exemple, le bruit est à la fois sonore et visuel. Tu vois le déroulement du son se réaliser, donc le parcours du son. C’est ça qui m’intéressait, observer un phénomène, un bruit, en train de se réaliser. Tu l’observes, il crée un dessin, ne serait-ce que mental. Et ensuite seulement ta réaction est de te demander si ça c’est du bruit, si tu considères ça comme du bruit.

SG Nos installations vivent grâce aux gens : s’il n’y a personne, elles restent dans le silence. C’est un facteur important pour moi. Par exemple, dans la première salle, il reste les traces des gens : c’est une absence, les visiteurs ne sont plus là, mais ils sont présents, ils ont laissé des traces. J’ai toujours voulu enregistrer la résonance de mes installations. Par exemple, quand quelqu’un passe et réagit avec mon œuvre… C’est aussi ce qui est intéressant dans cette œuvre que tu fais Marc, c’est que tu doives toucher l’œuvre. Normalement, on n’a pas le droit, ce n’est pas un instrument de musique, c’est une sculpture, et tu touches maintenant la sculpture.

MG L’aspect tactile est un autre point qui nous réunit, c’est à dire que l’œuvre ne doit pas simplement être à regarder, isolée par des cordons de sécurité, tu peux la toucher, la faire fonctionner, la modifier pour Sara : le toucher fait partie de l’œuvre, il est un élément supplémentaire. Sinon une sculpture n’est plus que ses trois dimensions, tu la regardes, c’est tout, tu ne sens pas les phénomènes qui sont liés aux matériaux, tu perds le son, le toucher… Tu perds un élément, une sensation. Quand tu travailles le métal, tu te rends compte qu’il a un son propre, et que si tu perds cet élément, tu passes à côté de quelque chose d’important.

SG Mais là, tu apprécies avec tous les sens. En fait c’est une expérience forte, quand tu as des bruits, des trucs à toucher : dès que tu présentes un parcours sonore, les visiteurs oublient le reste, ils ne voient plus rien, ils jouent, les gens jouent, ils ne voient plus qu’il y a des choses à regarder.

MG Si tu les libères, d’un seul coup la libération doit s’exprimer partout. Ils se sentent débridés.

SG Comme ma fille hier, qui commence à tirer ma sculpture. Je lui dis « attention, ça va tomber sur ta tête, ce n’est pas fait pour tester le bruit ».

Comment articulez-vous la phase d’expérimentation qui vous est propre, de création et d’installation, et celle où ce sont les autres qui s’emparent de l’espace ?

MG On expérimente nous, pour que le visiteur expérimente à son tour. On essaie d’imaginer quelque chose d’assez large pour que l’expérimentation puisse être la plus large possible. Cette exposition est un lieu d’expérimentations. Tu expérimentes en tordant les tiges, tu modifies les volumes, les sculptures ou tu fais bouger les choses… Tu expérimentes, et tu le fais avec ton histoire personnelle. C’est pour ça que c’est toujours étonnant de voir comment les gens réagissent, il y en a qui sont très délicats, d’autres qui sont plus brutaux, d’autres qui n’osent pas.

SG L’expérimentation, c’est, pour moi, un point pour aller plus loin et qui est indispensable pour développer mes idées. Il y a aussi, bien sûr, tous les textes que j’ai lus. Mais le fait d’exposer et de voir comment les gens réagissent, comment l’œuvre réagit par rapport aux gens, est un élément important pour progresser. C’est très enrichissant, c’est vécu, pas seulement sur le plan visuel, c’est dans tous les sens, tactile, auditif… C’est testé. Et c’est un espace qui peut réagir différemment dans différents lieux, différentes cultures. Et après, personnellement, je vais poser tout ça sur papier. Tous les dessins, c’est par rapport à ce visuel et cet auditif, ou ce mental, comment je vois ces éléments évoluer.

 

13 juin 2014, propos recueillis par Anne Dessertine

Marc Guillermin

Saraswati Gramich

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