RÉCIDIVE !!! 19-28 nov 2021

Récidive, nom féminin, du latin recidivus (« qui revient, qui renaît »)

1. Réapparition (d’une maladie qui était guérie).

2. Fait de commettre une nouvelle infraction, après une condamnation.

Nos deux récidivistes se connaissent. On peut souvent les croiser à deux pas de leurs repères. La place Victor Hugo pour l’un qui y sévit comme marchand de jouets, belle couverture pour un artiste, l’autre au sein de la Légion d’Honneur, chef cuisinier maniant avec brio et au long court la louche et le couteau pour le bonheur de ce pensionnat de jeunes filles.

Nos deux compères font plus que se connaître, ils partagent bien des vices.

La musique en est un et tous deux traquent le vinyle du côté des Puces. Faire ripaille leur sert de métronome aux rythmes des saisons. Et de deux. Suprême dépravation, source de leur inspiration, ils vouent l’un et l’autre un culte sans limite à Bacchus. Et de trois. Mais un Bacchus fâché, en guerre ouverte contre la chimie, pesticides et sulfites à tout va. Eux c’est plutôt l’alchimie, terroir, pleine lune et vendanges à la main.

Voilà pour le crime.

En peinture, tout les distingue. Déjà, l’un nomme et l’autre pas.

L’étuve, Codex IV, Codex V pour Valentino Beretta, Des Sans légende pour Yan Darçon.

Les peintures de Yan Darçon semblent sortir d’un rêve. Des personnages y portent masques et convoquent esprits Basongyé, Ashanti ou Bakwélé. Ils dorment, sereins, entre deux mondes ou se réveillent avec effroi, jettent un coup d’œil au voisin, se noient ou se mirent dans un ballon. Visages sans regard ; exorbités, sans pupilles ou démultipliés, chez Yan Darçon ce sont les yeux qui parlent autant que les bouches.

Cette peinture n’est pas pour autant bavarde, la musicalité qui s’en dégage tient des silences sur une portée. Quand on crie c’est qu’on a peur. Ici on est au pays de l’inquiétude muette.

La palette est celle du coloriste. Les citations sont espagnoles. Marinière, masques africains, pipe à tête de taureau. Une beauté endormie ? Pablo la veille.

Yan Darçon est un peintre classique, il dépeint au fil du temps un même motif, le même mystère, et semblable dans ses compositions à quelque nature morte, il semble nous poser, face à l’insoutenable et inquiétante légèreté de l’être, la sempiternelle question : pourquoi ?

Avec Valentino Beretta, on change de registre.

Ici c’est les grandes orgues. Ca pète, ça gueule, ça couine, ça souffle et ça grenaille. Valentino a le dessin goulu et sans limite. Un ogre.

Son ennemi ? Le blanc. L’espace entier est à conquérir. Pourquoi pacifier sa rage ?

Il ne dessine pas, il griffe, il incise et sature le support. Son outil ? Le crayon, le feutre ou le pinceau trempé dans l’écoline. Oui, mais ici c’est accessoire. Valentino travaille au scalpel, au bistouri. Il taille, découpe et illustre avec fureur un monde qui part en couilles.

Ses Codex nous disent tout du monde et sans détour. Bagnoles à foison, containers sur les mers, massacres à la tronçonneuse, œsophage industriel, poules, veaux, vaches folles et cochons à xénogreffes. Tour opérateurs pour safari photo : un couple de panda copule.

Les dessins de Valentino Beretta ne nous parlent pas. Pas de bla bla, ils coupent court à toute volonté de ne pas voir. Impossible d’y échapper. Pas un espace pour se replier sur la feuille. On est pris de toute part. La vérité du monde vous menotte. Regardez, on en est là. Il va falloir en faire plus que lui tirer des langues multicolores à ce monde qui s’effondre.

Alors, à voir tout ça, Valentino Beretta, dessinateur collapsologue ?

Peut-être, mais pour lui tout espoir n’est pas perdu. Les femmes qu’il dessine sont plantureuses et la végétation lézarde déjà Wall Street. On jubile.

Pire qu’un artiste en récidive, il se dit qu’il serait communiste.

Récidive, Valentino Beretta et Yan Darçon, une exposition à ne pas manquer à partir du 19 novembre à l’ADADA.

Aurélien Valmont

 

ATELIER mercredi 24 novembre de 14h à 16h

« Initiation à l’encre » animé par Valentino Beretta

gratuit et ouvert à tout.e.s